Ma rencontre avec Stéphane Rousseau

La chonique d’Annabelle Milot

Cigale Mag N° 36
Février 2011

J’ai passé la soirée à rigoler de ses vannes, c’est la faute à Stéphane ! Mes larmes coulaient à flots, c’est la faute à Rousseau !

Quand avez-vous eu envie de devenir humoriste ?
Mon Dieu, ça fait tellement longtemps ! J’ai décidé de faire ce métier, je devais avoir douze ans. Je faisais rigoler la famille, après les amis, l’école, le camping… De fi l en aiguille, on prend goût à la popularité. L’attention qu’on nous porte quand on fait rigoler, ça fait du bien et c’est bon pour l’ego. Ma mère est décédée alors que j’avais douze ans ; elle était convaincue que je serais humoriste alors ça m’est resté.

Quelle a été votre première démarche professionnelle ?
Il y en a eu plusieurs. J’ai quand même fait dix ans de spectacle dans les bars et boîtes de nuit, on peut considérer ça comme une démarche professionnelle. Mais mon premier essai, c’était dans un concours amateur où ma soeur m’avait inscrit. Je l’avais remporté et un monsieur du jury, une sorte de Jean-Marie Bigard à la québécoise m’avait proposé de faire sa première partie… Puis j’ai été embauché dans une station de radio en région. À la même époque, j’ai remporté un concours de Juste pour Rire qui m’a offert un ticket pour jouer sur la grande scène du grand Théâtre Saint Denis, à Montréal.

Dans votre one-man-show vous chantez, dansez, interprétez, dessinez… Peut-on dire que vous êtes un artiste complet ?
J’ai un peu l’impression ! J’ai toujours touché à tout. Jeune, j’aimais prendre des cours de piano, de guitare. Je n’ai jamais poussé les études très, très loin : je suis plus tôt un autodidacte, j’aime appronfondir par moi-même. Je ne suis pas très académique, comme garçon.


Lorsqu’on interprète le même spectacle tous les soirs, y a t-il des préférences pour certains sketchs qui se dessinent au fil du temps ?
Oui, et plus on joue un spectacle, plus il y a des sketchs qu’on préfère à d’autres. Le danger lorsqu’on joue un show 300, 400 fois, c’est de se lasser soi-même. C’est pour ça que moi, je tiens toujours à raconter des histoires vécues : c’est plus difficile de se lasser, on peut raconter nos vraies histoires jusqu’à notre mort en en rajoutant, en les exagérant… Quand je raconte un truc complètement fictif, je me lasse plus rapidement. La douane, c’est mon sketch préféré !

Vous vous livrez beaucoup dans ce spectacle. Encore ce besoin de vous montrer nu ?
Bonne question ! Cela part sûrement du fait que l’on ait grandi dans un camp de nudistes, ma famille et moi !

Faire un sketch sur le décès de son père dans un oneman-show, est-ce un pari risqué ?
Je suis très content de faire ce numéro un peu plus sensible, parce que ça me fait du bien. S’il y a un léger malaise au départ, je crois qu’il se dissipe assez rapidement. S’il y a des gens qui veulent rire à tout prix, ils y trouveront leur compte sur d’autres sketchs. C’est vrai que c’est un one-man-show et que ce n’est peut-être pas dans la tradition d’humoriste d’aborder ce genre de sujet… Même si plus les gens rient, plus je suis content – car on est là pour se dilater la rate – j’ai envie que les gens sortent et qu’ils aient été transportés dans mon univers. Peut-être qu’en riant de mes soucis, ils oublient les leurs…

À un moment, vous parodiez un journaliste français dont vous ne comprenez pas toutes les questions. Cela vous est-il vraiment arrivé ?
Parfois à la télé, je voyais des émissions un peu pointues avec des intervieweurs un peu intellectuels. J’ai fait aussi en plateau des interviews, des questions tombaient sur mes voisins de table et j’étais bien content que ça ne tombe pas sur moi. Alors je me suis demandé comment répondre à un journaliste de cette trempe. Et puis j’avais envie de mettre le journaliste québécois face à un journaliste français, parce que vous êtes très différents : vous utilisez beaucoup de mots, vous avez un vocabulaire assez approfondi. Au Québec, on se fait rarement mettre en boîte. On n’aime pas les confrontations. Alors même si nous parlons la même langue, Français et Québécois, nous sommes très différents dans notre approche, notre façon de dire les choses…

Avez-vous compris toutes mes questions ?
Oui, jusqu’ici ça se passe très bien.


Qui est responsable de votre succès : les volutes affriolantes de la création humoristique de rictus ou encore la soif de félicité d’une société neurasthénique trop longtemps ancrée dans la complaisance individuelle ? » (Extrait du spectacle)
Mon Dieu : vous voyez, c’est moi qui l’ai écrit et je ne sais pas quoi répondre ! Un jour Gérard Louvin, le producteur, m’a dit : « Je crois que je sais pourquoi les gens t’aiment, Stéphane. T’es pas le plus drôle, mais tu as une sensibilité ! » Je pense qu’effectivement, j’ai une sensibilité et un côté très gamin. Je suis assez transparent, comme garçon. Ça me trahit souvent d’ailleurs, mais je crois que c’est ce que les gens aiment, que c’est pour ça qu’ils me pardonnent certaines erreurs et qu’ils sont aussi émus parfois quand je raconte des histoires… Je suis un peu gaffeur aussi : tout ça fait un tout sympathique !

Le soir où je suis venue voir le spectacle, vous avez bafouillé. Était-ce la fatigue ou avez-vous été perturbé par le fait que je sois dans la salle ?
C’est peut-être ça ! En fait c’est vraiment ça, car je suis très influençable… Quand il y a, dans la salle, des gens que j’estime beaucoup ou que j’admire, je bafouille !