LA CHRONIQUE D’ANNABELLE MILOT
Cigale Mag N° 29
Septembre-Octobre 2009
Rose & Noir, quelle est la
signification de ce titre ?
Rose & Noir, c’est le thème du film : la
confrontation d’un personnage très superficiel
qui a voué sa vie à mettre un peu de rose dans
ses fanfreluches et qui va être confronté à la
noirceur la plus profonde de l’Inquisition
espagnole.
Intégrisme, racisme, antisémitisme,
homophobie : dans Rose & Noir, vous
abordez la question de l’intolérance… Vous
devez en avoir sacrement gros sur la patate
?
Face à l’intolérance, il n’y a pas d’autre
solution que d’être tous solidaires parce que
nous sommes tous menacés. On est toujours le
Juif ou l’Arabe ou l’homo de quelqu’un… La
tolérance, ce n’est pas être d’accord : c’est
accepter que l’autre soit en désaccord avec
vous. Rose & Noir est avant tout une
comédie. C’est vrai que lorsqu’on crée la
situation d’un homme qui va se mettre dans la
gueule du loup on le charge à mort. Le message
n’est pas plus appuyé que l’était Rabbi Jacob
à son époque. Il faut se méfier de la comédie.
Elle n’est pas un fond, mais une forme. Moi,
j’ai choisi de prendre le tout et d’éclaircir
la noirceur. Rose & Noir est un film qui
pose des questions et qui met en lumière des
contradictions.
Vous êtes vous inspiré d’un couturier
existant pour interpréter Saint Loup, votre
personnage ?
La question a été : qu’est ce qui se passerait
si Lagerfeld était envoyé par Sarkozy pour
aller faire une robe de mariée chez les
Talibans ? La réponse, c’est que ça
exploserait de toutes parts, et cela ne ferait
rire personne parce que c’est un sujet
brûlant. D’où l’idée de transposer notre
histoire à la Renaissance.
Pensez-vous que le cinéma peut rendre le
monde meilleur ?
Au moment où l’on regarde le film oui… Après
?… Le cinéma fait partie des choses qui font
évoluer le monde.
Au début du film, on peut lire cette phrase
de Guitry : « Quand on interroge le passé,
il répond présent »… Pour vous, l’histoire
est-elle un perpétuel recommencement
?
Oui, elle bégaye un peu. Il est désolant de se
dire qu’il n’y a pas eu dans l’histoire de
l’humanité un seul jour sans guerre.
Effectivement, si on y regarde de plus près,
depuis la nuit des temps dans l’histoire comme
dans la politique, ça se résume souvent à «
les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».
Bien sûr ! Entre autres parce qu’on ne sait pas comment il va être apprécié par le public, par les personnes qui nous ont aidés à le monter et par la presse. Je ne voudrais pas que les journalistes boudent leur plaisir en renonçant à voir Rose & Noir. Un nouveau film, c’est un bateau tout neuf – et moi j’ai hâte de le montrer et qu’il prenne la mer… »
Vous dites que vous êtes très nostalgique
de la période de la troupe du Splendid,
pourtant aucun d’entre eux ne figure dans le
film. Pourquoi ?
Cela risquait de faire dériver le propos. À
part Bernard Le Coq, il y a très peu d’acteurs
connus dans mon film. Ce sont plus des acteurs
en devenir. Avec la troupe du Splendid, on se
connaît tellement… Je sais que si j’appelais
Josiane Balasko pour lui proposer un second
rôle, elle me demanderait immédiatement
pourquoi je ne lui propose pas le premier !
(Rires) Je ne peux pas vous répondre, on ne se connaît pas assez ! (rires) Il se trouve qu’Arthur est avant tout un acteur formidable. Quand il m’a dit qu’il voulait faire ce métier, j’ai eu peur. Mais il a une telle envie, une telle frénésie qu’il m’a très vite convaincu.
Saïda Jawa, elle, rayonne d’intensité dans ses personnages. J’ai eu envie de mettre en lumière leurs petits plus que je connais bien car ils font partie de mes proches. Attention, je ne suis pas Saint Gérard !… Je ne vais pas aller faire tourner ma mère – même si elle le pourrait car c’est une bonne actrice ! J’y trouve aussi mon intérêt. Évidemment je leur fais un cadeau en leur offrant un rôle, mais ils m’ont également fait cadeau de leur présence dans le film tout comme Bernard Le Coq, Juan Diego, Patrick Haudecoeur, Stéphane Debac, Assaad Bouad et tous les autres d’ailleurs…
Si vous deviez émettre une critique des
plus objectives sur votre film, qu’est-ce
que ça serait ?
Il est peut-être un peu trop copieux parfois
de par le mélange des genres et mon envie de
dire plein de choses… Mais je tiens à vous
rassurer : tout cela ne vous empêchera pas de
passer un agréable moment…
COUP DE PROJECTEUR
Dans Rose & Noir, le comédien Stéphane Debac (Modern Love, l’Affaire Villemin…) incarne Myosothis, le “nez” de Pic Saint Loup. Il est définitivement un acteur rare. Discret, il impose avec force et originalité chaque rôle qu’il traverse. On aura le plaisir de le retrouver au printemps prochain dans un premier long-métrage, réalisé par Hugues et Sandra Martin, intitulé Djinns, film fantastique se déroulant pendant la guerre d’Algérie.
Gérard Jugnot : «C’est un acteur qui a un univers de comédie qui lui appartient. Il a une vraie personnalité.»