Erik Schaix
Cigale Mag N° 36
Février 2011
COUTURE DE LUXE
Mais notre frayeur fut de courte durée, car si Erik Schaix est effectivement d’une exquise discrétion, ses yeux se mettent à briller lorsqu’il parle de ses créations – qui, elles, en disent beaucoup sur leur créateur. « Mes robes obéissent à trois impératifs : elles sont colorées, épurées et strictes. » Un rapide coup d’oeil par-dessus l’épaule de notre interlocuteur, vers les modèles de sa dernière collection, nous convainc de dépasser l’apparente contradiction de ces trois adjectifs. Car si l’on est bien ici dans la haute couture, nulle trace de l’exubérance caractéristique des apparatchiks de la mode, cette exubérance qui fait parfois se demander au néophyte, devant tel ou tel défilé, si les vêtements qu’il voit sont vraiment faits pour être portés. En ce qui le concerne, Erik Schaix préfère parler de « couture de luxe ». Les défilés le laissent de marbre. « C’est de la poudre aux yeux, de l’argent jeté par les fenêtres. » Voilà dix ans qu’il a abandonné ces vivifiants exercices de défenestration financière ; sans le moindre regret, puisque cela lui a permis de développer la partie joaillerie de sa marque.
LA GRIFFE ERIK SCHAIX
Entre ses bijoux et ses collections de prêt-à-porter, il y a comme un air de famille et la marque d’une même exigence : « Comme en couture – les deux allant de pair –, ce que je recherche avant tout en joaillerie, c’est la couleur. J’utilise beaucoup de pierres méconnues et de matières atypiques. S’il m’arrive d’employer des diamants, ce ne sera qu’en tant qu’accessoires. »
Au-dessus de la boutique, les ateliers où dix-sept artisans s’affairent à la réalisation des modèles imaginés par Erik Schaix. On s’étonne qu’il soit seul à dessiner : la maroquinerie, la couture, la joaillerie ne demandent-elles pas chacune un savoir-faire particulier ? « Je suis entré dans l’univers du luxe à 17 ans – et par la petite porte. Dans les ateliers, j’ai eu tous les métiers. J’ai gravi les échelons un à un. Alors passer de la couture à la maroquinerie ou à la joaillerie, vous savez… L’important, c’est d’avoir trouvé sa griffe ; après, c’est une question de coup de crayon. »
UNE CLIENTÈLE INTERNATIONALE
Un coup de crayon plébiscité une clientèle majoritairement étrangère. « J’habille un certain nombre de Premières dames. Il y a une quinzaine d’années, j’ai même réinventé pour ma clientèle africaine le pagne traditionnel, en lui donnant une touche parisienne. »
Une anecdote ? Erik Schaix nous raconte comment une Première dame lui fit signer un contrat d’exclusivité pour toute la durée du mandat de son mari ! « Elle me commandait une robe par jour et moi, en contrepartie, je m’engageais à n’habiller personne d’autre dans son pays. » Au rythme d’une collection joaillerie et deux collections couture par an, on se doute qu’Erik Schaix n’a guère le temps de voyager. Mais à voir défiler toutes ces clientes étrangères, n’en a-t-il pas envie ? « Ça va peut-être vous étonner, mais je n’aime pas beaucoup voyager. Mes clientes sont des habituées ; je les connais, je sais ce qui leur va, ce qu’elles aiment; parfois, l’une d’elles m’apporte une soie de Chine, un cachemire d’Écosse, que sais-je – et me dit « Tu pourrais me faire quelque chose là-dedans ? » Alors je tourne et je retourne le problème dans ma tête… Nous faisons beaucoup de sur-mesure. Que ce soit en joaillerie ou en couture, satisfaire les demandes de mes clientes : les voilà, mes voyages ! »
Dans sa dernière collection, il s’est intéressé au galuchat, un cuir de poisson oublié depuis la période Art déco. Une cliente lui a passé une commande en galuchat, lui en a tiré toute une collection. On comprend alors qu’Erik Schaix ne se contente pas de créer des vêtements : il voyage dans les tissus, dans ses dessins, dans l’élégance.