GOODIES RECORDS
Cigale Mag N° 34
Septembre 2010
Si la proximité de la rue Saint-Denis se prête volontiers au latex, voire au silicone, on se réjouira d’y trouver aussi du vinyle.
A l’extrémité du Passage du Bourg-l’Abbé en pleine restauration, trône sa Majesté Roger Veinante, Comte de la Soul Music, Duc du Rock’n’Roll, Prince du Blues et de la Country. Le bon roi Roger tient la boutique « Goodies Records » comme on tient une promesse. Celle de trouver absolument tout ce qu’un amateur de bonne musique et de raretés peut espérer entendre sur nos bonnes vieilles galettes, celles qui restituent le grain et la patine que le CD et le Mp3 ignorent. « 100 % Vinyle » promet l’érudit rock au cuir élimé et à la trogne de Vince Taylor sexagénaire.
« ON N’ÉCOUTE PAS NAT KING COLE SUR UN
ORDINATEUR »
Aux USA, et plus récemment en Europe, il y a
un grand retour au disque. Depuis qu’on peut
écouter de la musique gratuitement via le
téléchargement, le marché du CD est en
pleine déconfiture. D’où retour aux sources
; aussi bien pour les amateurs que les
professionnels du bizness qui ont tout
intérêt à imaginer un retour au vinyle. Et
puis, on n’écoute pas de vieux bluesmen,
Bing Crosby, Nat King Cole ou des pionniers
du rock’n roll sur des ordinateurs. Le
disque, c’est comme le livre pour un
bibliophile : on l’achète aussi pour la
pochette. Avoir une discothèque bien
fournie, c’est comme avoir une cave. Et
Roger Veinante n’est plus un premier
communiant depuis longtemps, quand à
quatorze ans en 1954 (année de la naissance
artistique d’Elvis) il se mit à vendre et
collectionner. Copain des Blousons Noirs,
habitué (très peu) du Golf Drouot, il se
souvient des Grands Boulevards achalandés
tous les 100 mètres en disquaires.
« J’ai quelques milliers de disques chez
moi et 50 000 ici. C’est venu au fil du
temps jusqu’à devenir un métier. »
Frustré très tôt de constater le retard de
la France en terme de Rock’n’roll, il se
souvient que la jeunesse d’ici devait,
pendant les 50’s, se contenter de Boris
Vian, Henry Salvador, Gilbert Bécaud et
Colette Renard quand l’Angleterre
pré-Beatles et l’Allemagne de l’après-guerre
recevaient régulièrement la visite des
sauveurs américains Gene Vincent, les Everly
Brothers, Eddie Cochran ou Bill Haley.
« Cela ne m’empêche pas de vendre de la
chanson française et des variétés yéyés.
»
COLLECTIONNEUR, CHINEUR, VENDEUR,
DÉNICHEUR…
Courant de salons en conventions, le chineur
ne néglige pas le marché américain qu’il
visite une fois l’an et d’où il revient
chargé de 3 000 disques, des perles rares
qu’un Manœuvre ou Arditi (des fidèles)
viendront acquérir chez lui. « Chez lui »,
façon de parler quand des milliers de
touristes passent chaque année photographier
la boutique.
« J’ai l’impression d’être la Joconde…
», se résigne-t-il. Une Joconde plébiscitée
par trois générations au moins, dont Rudy,
un client trentenaire, passionné de Blues
qui nous prie de préciser que c’est le seul
lieu où l’on trouve des originaux – dans
tous les sens du terme… Précisons aussi que
Roger conduit des recherches discographiques
pour ses clients et trouve des imports
rarissimes. »
Goodies Records
3, rue de Palestro
Paris 2e
M° Etienne Marcel/Réaumur-Sébastopol
01 48 87 14 37