LE SAINT JACQUES
CigaleMag n° 43
Avril 2012
C’est une histoire qui commence de façon assez banale. David et Sophie Brard ont une boulangerie-pâtisserie à Clamart. David aime le bon vin : il a besoin d’une cave pour entreposer ses bouteilles. Ils se mettent à chercher dans les environs de Clamart, sans succès. Leurs recherches s’étendent un peu : les voici à 120 kilomètres de leur boulangerie, dans la petite ville de Conches-en-Ouche, en Normandie… Avec son donjon en ruine, son musée du verre et les vitraux XVIe de son église gothique, la ville est charmante. On leur propose justement les bâtiments qui font face à l’église. Les caves sont en bon état et les dépendances spacieuses… Et voici comment David et Sophie Brard achetèrent le Saint Jacques !
UN LIEU INSOLITE
Il est des lieux que l’on décide d’apprécier
ou pas. Il en est d’autres qui ne vous
laissent pas le choix ; qui vous prennent
comme par surprise, vous emportent, vous
éblouissent ; et une fois la surprise
passée, lorsque vous redescendez lentement
sur terre, les mots qui vous viennent à
l’esprit semblent bien ternes en comparaison
des merveilles que vous venez de découvrir.
C’est exactement ce qui est arrivé à David
et Sophie Brard quand ils ont visité le
Saint Jacques. Eux qui pensaient n’avoir
acheté que des caves se retrouvaient
propriétaires d’un bijou des XIe et XIIe
siècles. Le Saint Jacques est une ancienne
prévôté (l’ancêtre de nos gendarmeries) du
XVIe-XVIIe. Lorsqu’on descend dans les
caves, on arrive dans une première salle
voûtée qui ressemble fort, avec ses trois
petits cachots creusés dans la pierre, à une
salle d’interrogatoire – et les méthodes de
l’époque n’ayant pas laissé le souvenir d’un
humanisme forcené, le mot est un doux
euphémisme. Deux escaliers partent de cette
salle. Le premier monte : il donne sur la
cave à vin de David. Le second descend et
mène à une salle romane aux ogives
admirablement conservées ; peut-être une
ancienne crypte, la prévôté s’élevant sur
les vestiges d’une église du XIIe siècle… Au
fond, un long couloir mène aux oubliettes du
XIe siècle.
Les Brard sont toujours boulangers à Clamart, mais le Saint Jacques a changé leur vie. En découvrant ces caves en enfilade, Sophie commence à s’y intéresser. Elle passe quelques soirées sur Internet, se renseigne sur l’histoire de Conches, glane ici et là des informations sur les seigneurs de Tosny, fondateur de la ville… Elle se fait un peu historienne, un peu archéologue…
La passion des vieilles pierres la gagne peu à peu : elle veut redonner vie aux caves du Saint Jacques. « Quand on est arrivés, les habitants de Conches sont venus nous demander s’ils pourraient toujours visiter les caves, raconte Sophie Brard. Bien sûr, nous avons accepté. En voyant le monde que ça attirait, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire… À l’origine, c’est mon mari qui est pâtissier, moi j’ai une formation de reliure. Je suis passionnée d’art : le dessin, la sculpture, la peinture… Je m’étais même toujours dit qu’à cinquante ans, je passerai la main à la boulangerie pour m’y consacrer entièrement. Avec le Saint Jacques, c’est venu plus tôt que prévu ! »
C’est ainsi que David et Sophie Brard ont monté l’association StJ. Son but : exposer des artistes contemporains dans la maison et organiser des événements dans ses caves. « Les anciens propriétaires avaient transformé le bas de la maison en galerie et nous avons repris le flambeau, aidés par Caroline Prévert, responsable de la Maison des Arts de Conches. En ce moment, nous exposons Éric Turlot, ensuite ce sera Shay Miremont… Ce sont deux artistes complètement différents : les toiles de Turlot sont assez brutes, tandis que celles de Miremont recherchent la finesse. L’objectif de ces expositions, c’est d’ouvrir l’art à un maximum de monde. On voit souvent le même type de gens dans les galeries, mais ce n’est pas une fatalité. Tout le monde devrait avoir accès à l’art. C’est pourquoi nous demandons aux artistes qui exposent au Saint Jacques de réaliser quelques petits formats plus abordables. » Voilà pour la galerie.
Quant aux caves, elles accueillent des compagnies de théâtre. « Nous avons notamment reçu la compagnie du Cabaret des Dandys, venue jouer Le Tartuffe en costumes d’époque et à la bougie : ça a été un succès ! » Succès qui se renouvellera le 28 avril prochain. Réservez vos places : dans des caves du XIIe siècle, difficile de pousser les murs…
Le Saint Jacques
12 rue Sainte Foy
27190 Conches-en-Ouches
06 48 55 96 99
www.conches-en-ouche.fr